Retrouvez les chefs-d'oeuvre de la MINIATURE PERSANE et INDIENNE en PUZZLES sur le site : http://www.sindbad-puzzle.com/

Puzzles 1000 pièces disponibles sur www.sindbad-puzzle.com

mercredi 11 septembre 2013

Abd al-Samad : Le voyage du poète

Le voyage du poète, Abd al-Samad ?, école moghole, XVIe siècle


Le soleil commence à percer. Il aura vite fait de disperser les nuages qui encombrent encore le ciel matinal. La journée s'annonce belle et resplendissante. Certains rochers se parent même de magnifiques teintes dorées. Un poète, entouré de serviteurs, chemine sur un sentier sinueux passant à travers monts et vaux jusqu'à un bourg dont on aperçoit déjà au loin les flèches hérissées.
La miniature est attribuée à Abd al-Samad, surnommé le Calame doux par Akbar à cause de la finesse de son trait. D'origine persane, il était venu s'établir en Inde pour mettre son art au service des Moghols. On reconnaît d'ailleurs ces fameuses montagnes aux formes animalières grotesques typiques de la peinture iranienne. Néanmoins, afin de complaire à ses nouveaux maîtres dont le goût penche vers le réalisme, l'artiste a introduit la perspective et ce ciel nuageux que l'on voit dans ces peintures importées à la cour de Delhi par les jésuites arrivés d'Europe. Cette œuvre est d'ailleurs l'une des premières où l'on relève l'introduction de la perspective dans l'art de la miniature.
"Les voyages forment la jeunesse." "Nul n'est prophète dans son pays." C'est bien connu. Ce sont ces vérités populaires que nous trouvons rappelées en distiques dans les cartouches du haut et du bas, le dernier d'entre eux étant emprunté à un poème de Rûmî traitant de la quête spirituelle :
Un homme ne reçoit aucun respect dans sa terre natale ;
Un joyau ne possède aucune valeur dans sa mine d'origine ;
Observe la terre et le ciel :
Ils naviguent sans fin en un voyage permanent.
Si les arbres pouvaient se déplacer et partir au loin,
Ils n'auraient plus à souffrir de la hache et de la scie.

Basawan : La cabane dans l'arbre



Qui n'a jamais rêvé de posséder dans son jardin une retraite aussi délicieuse que celle représentée dans la miniature : une élégante plateforme posée sur les branches d'un arbre et cachée parmi le feuillage. On pourrait s'y retirer à loisir des tracasseries de ce monde pour méditer, contempler la nature, savourer un recueil de poésie, seul ou en compagnie d'un confident venu avec une bonne bouteille. Cette vision idyllique nous est proposée par Basawan, considéré par le vizir Abu Fazl, comme le plus brillant artiste de l'atelier d'Akbar. Basawan possède une palette d'une richesse et d'une intensité exceptionnelle. On reste admiratif par la dextérité avec laquelle il sait la varier en fonction des sujets traités. Ici, il explore les nuances dans le vert afin d'exalter l'éclat et la splendeur de la nature par une belle journée ensoleillée d'été. La végétation jaillit à profusion et franchit même la marge supérieure pour s'épanouir au-delà du cadre de la composition. On relèvera également la faculté de Basawan à croquer des scènes sur le vif comme ce valet au pied de l'arbre que l'on voit griller de la viande en tournant d'une main la broche tandis que de l'autre il évente le feu. 
La miniature est tirée d'un recueil de poésie (divan) d'un poète persan du XIIe siècle, Anvari. Les moghols affectionnaient particulièrement cet auteur. Akbar commanda en 1570 une copie du divan d'Anvari, de format poche, susceptible d'être emporté facilement lors de ses déplacements. 
L'artiste a pris quelques libertés avec le contenu du poème qui nous décrit une maison d'été tout à fait conventionnelle. Il a préféré représenter le poète au cœur des frondaisons et nous livrer une vision du jardin comme un lieu situé entre la terre et le ciel. Ce n'est pas encore le paradis mais on y échappe déjà aux contingences de ce monde. Le début du poème, dont les premiers vers sont insérées dans les cartouches du haut et du bas, commence par une description de l'état déprimé du poète. Il trouvera la sérénité dans le jardin où il partagera d'agréables moments avec son ami à parler de philosophie et de la vie :
La nuit dernière, je rentrai chez moi ivre
Accompagné que j'étais d'un bon ami.
Sur le rebord de la fenêtre, je trouvai
Une bouteille à moitié pleine
D'un vin aussi pur que la promesse
Des belles amitiés
Et aussi amer que
L'état de ceux qui aiment...



Balchand : Jehangir reçoit le prince Khurram

Jehangir reçoit le prince Khurram de retour de sa campagne militaire dans le Mewar, tiré du Padshahname, Balchand, vers 1635


Jehangir reçoit son fils Khurram, le futur Shah Jehan, lors d'une audience publique (darbar) organisée en l'honneur du prince héritier pour le féliciter de sa victoire militaire dans le Mewar. La scène se déroule sous le regard tutélaire d'Akbar dont on voit le portrait accroché au-dessus des deux hommes.
La miniature nous éblouit par la splendeur de sa palette, le raffinement de son décor  d'or, la maîtrise de la composition. Bien que la foule soit importante, les personnages sont disposés selon une répartition savante qui confère à chacun une attitude naturelle et décontractée. Dans d'autres illustrations de darbar réalisées par des peintres de moindre acabit, l'attroupement prenait généralement un caractère confus et compassé empreinte de raideur. Ici, la cérémonie respire la grâce et la solennité. Les visages sont dessinés avec une extrême minutie, chaque individu possède sa propre personnalité. L'art moghol, bien que profondément influencé par la peinture persane, se distingua très rapidement de sa rivale par son attrait pour le réalisme des scènes, des figures et des paysages.
L’œuvre a été exécutée par Balchand, comme nous l'atteste la signature griffonnée sous le trône : "Peint par Balchand, l'humble serviteur de la cour". Toute la finesse et la maîtrise artistique de ce miniaturiste éclatent dans cette peinture réalisée pour illustrer le Padshahname, un recueil biographique commandé par Shah Jehan pour exalter son règne. Comme pour nombre d'autres peintres, on ignore pratiquement tout de la vie de Balchand. On sait seulement qu'il était de confession hindoue et qu'il se convertit à l'Islam. Encore jeune, il rejoignit l'atelier d'Akbar durant la dernière décennie de son règne. Il poursuivit ensuite sa carrière artistique au service de Jehangir puis de Shah Jehan. Il s'est représenté lui-même dans la miniature, dans l'angle inférieur gauche, portant une chemise sous le bras où on peut lire : "Balchand par lui-même".
Pour terminer, remarquons dans l’œuvre cette image incongrue d'un éléphant tout sourire, la mine réjouie et visiblement ravi d'assister au darbar royal. S'il a jamais existé un éléphant heureux sur cette terre, c'est bien celui-là.

Trois empereurs réunis dans une même miniature : Akbar (en portrait), Jehangir et Shah Jehan, Détail
Détail


Un grand sourire aux lèvres, l’œil rieur et malicieux, le plus heureux des invités du darbar devait certainement être ce brave pachyderme.

Shiva Das : L'amant arrive à minuit

Arrivée de l'amant à minuit, Shiva Das, école moghole, vers 1580, tiré du Divan d'Anvari


Les miniatures nous transportent au temps de l'Inde moghole. Ici, nous sommes invités à pénétrer dans une chambre, très certainement typique de celles que l'on devait trouver dans le complexe palatial de Fathepur Sikri. Comme l'on peut observer, les murs de pierre étaient recouverts avec de la chaux que l'on polissait jusqu'à ce qu'elle prenne l'apparence du marbre. Puis, on décorait sa surface avec des arabesques fleuris. Des niches étaient pratiquées dans le mur pour accueillir flacons et autres objets décoratifs. Une armoire et un charpoï (lit) constituaient l'essentiel du mobilier.
La miniature est attribuée à un certain Shiva Das. A en juger par deux de ses autres oeuvres conservées à la British Library, l'artiste devait exceller dans la représentation de beaux visages imberbes de jeunes garçons.
Le poème d'Anvari qui accompagne l'illustration et se poursuit au verso débute par ces vers :
Arriva près de moi la nuit
L'adorable soleil de l'aimé.
Sa taille élancée tel le cyprès,
Son visage telle une lune éclatante,
Il enflamma les esprits par ses lèvres de rubis
Et emprisonna les cœurs avec ses longues tresses.