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samedi 17 novembre 2012

Corot : L'étude comme oeuvre d'art

Florence vue depuis les jardins de Boboli
Le paradis. On se l'imagine généralement nimbé d'une lumière éclatante, peuplé d'êtres beaux et gracieux qui habillés de vêtements précieux se promènent au milieu de parterres fleuris. Oui, pourquoi pas.
Personnellement, il me plaît d'imaginer le paradis à la ressemblance des paysages italiens peints par Corot. Leur beauté pénètre au plus profond de mon âme et l'envahit d'une joie indicible, empreinte de sérénité, de paix, de béatitude. Je voudrais passer ma vie à contempler ses campagnes ensoleillées, parsemées de peupliers bruissant au vent, ses villes ou villages aux toits en tuiles rouges ou ocre, ses ciels à l'éclat méditerranéen où moutonnent des nuages cotonneux.
Le pont de Narni, étude réalisée en extérieur
Corot est considéré comme le précurseur de l'impressionnisme. Pourtant, il n'est pas le premier des peintres à avoir planté son chevalet en plein air, face à Dame Nature. Il y en a eu bien d'autres avant lui et il y en avait bien d'autres en son temps. Mais avant lui, le seul paysage, digne de ce nom, était celui que l'artiste créait, composait, inventait de toutes pièces dans son atelier à partir des croquis ou des études réalisés sur le motif, en extérieur. Il piochait par-ci un arbre, par-là un bout de ciel, encore ailleurs une ruine antique, pour finalement brosser de véritables décors de théâtre, des paysages rêvés, imaginés.

Le pont de Narni, composé en atelier
On a un bon exemple avec le pont de Narni peint par Corot. En haut, l'étude réalisée en plein air, sur le motif. En bas, le même site, mais "revu et corrigé" en atelier, pour une exposition au Salon parisien. D'une vue réelle, on est passé à une construction savamment élaborée, organisée et équilibrée du paysage selon des règles esthétiques définies par les maîtres classiques tels Poussin ou Claude Lorrain. L'artiste a même ajouté quelques paysans proprets sur le devant de la scène pour compléter les stéréotypes d'une campagne italienne idyllique.

Tivoli vue depuis les jardins de la villa d'Este
C'est en 1825 que Corot s'était embarqué pour la première fois en Italie, ce lieu de passage obligé pour tout homme ayant des ambitions artistiques. Il y restera trois ans, travaillant d'arrache-pied pour perfectionner son art sur des sites naturels ou historiques répertoriés comme sujets d'études incontournables dans la formation d'un peintre amateur.
Quelle merveilleuse toile que Tivoli, un chef-d'oeuvre d'harmonie chromatique et d'organisation spatiale. Il suffit que je la regarde pour que mon esprit s'évade vers des contrées ensoleillées et champêtres où la vie est douce, belle et simple. Il me prend l'envie d'écouter les Années de pèlerinage de Frantz Lizst, ce journal de bord musical composé par le prodige hongrois lors de ses pérégrinations en Italie. Lui-aussi, comme Corot, parcourut la péninsule de long en large, s'attardant sur les lieux de la rêverie romantique. Inspiré par les jardins de la Villa d'Este, il composa des morceaux d'une facture toute impressionniste, les premiers de ce genre, annonçant Ravel et Debussy. Il semblerait que l'air du temps prédisposait les artistes à une exploration des sentiments suscités dans le coeur par la rencontre émouvante avec la beauté plutôt qu'à une évocation traditionnelle et empesée des récits bibliques ou mythologiques qui, dans une société en pleine essor industriel et scientifique, se vidaient de leur sens pour l'individu.

Colisée
De son vivant, Corot deviendra célèbre pour ses paysages mettant en scène une action historique, biblique ou mythologique, et il sera considéré avant tout comme un peintre d'inspiration classique. Il poursuivra dans ce genre noble jusqu'à la fin de sa vie. Pourtant, il semblerait qu'il ait senti le vent tourner dans les goûts du public.
En 1849, l'artiste s'aventure à exposer au Salon, son étude du Colisée réalisée durant son premier séjour à Rome, soit quelque vingt ans plus tôt. Cette initiative constitua une révolution pour l'époque. Certes, discrète et tranquille à l'image de l'homme, mais elle n'échappa pas à des critiques d'art avisés tel  Baudelaire qui écrivit : "M. Corot, du fond de sa modestie, a agi sur une foule d'esprits."
Avec Corot, pour la première fois, l'oeuvre réalisée d'après nature, en plein air, fait son entrée dans le monde du grand art. C'est tout le statut de l'étude qui acquit avec lui une nouvelle dimension. De simple ébauche réalisée pour servir de support à un travail de plus grande envergure en atelier et indigne d'être montrée au public, l'étude sera hissée au rang de tableau à part entière. Corot ouvrira ainsi la voie à l'arrivée de toute une nouvelle génération d'artistes-peintres, les impressionnistes, qui s'engouffreront dans cette brèche et donneront à la peinture en extérieur ses lettres de noblesse. Avec eux, le paysage historique tombera définitivement en désuétude. Il sera même décrié, par des auteurs comme Zola, qui verront en lui l'expression d'une école artistique marquée par un académisme étriqué, élitiste et conservateur.

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