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samedi 16 mars 2013

Akbar Padamsee interview

Akbar Padamsee


Traduction d'un article paru dans le magazine Art India :

Interviewer Akbar Padamsee revient à écouter une histoire sinueuse qui passe du coq à l'âne avec des allers-retours incessants. Il passe naturellement de l'anglais au sanskrit, du fait historique à l'anecdote et au potin. Padamsee (né en 1928), qui fut un proche du groupe des Artistes Progressites de Bombay, vient d'une famille de commerçants ismaéliens. Il dessine depuis l'âge de quatre ans. Ce qui au départ a commencé comme de simples gribouillis dans les marges des journaux comptables de son père s'est transformé en une oeuvre artistique qui s'étale à présent sur plus de soixante ans.
Une des voix parmi les plus originales de l'art moderne indien, Padamsee a tour à tour exploré la peinture, la sculpture, la photographie, la réalisation de films, la gravure et l'image de synthèse. Bien qu'il soit plus particulièrement connu pour ses nus, ses couples, ses bustes, ses décors et ses paysages métaphysiques (metascapes), il ne décrit pas son art comme figuratif.
Extraits d'une longue conversation avec Subuhi Jiwani.

Subuhi Jiwani : Est-ce vrai que l'Aga Khan [1] vous a encouragé à vous rendre à Paris ?
Akbar Padamsee : Il ne m'a pas véritablement encouragé. Je l'ai rencontré une fois lors d'une réunion communautaire à Mazgaon et je lui ai dit que j'allais m'inscrire à la J. J. School of Art. "Magnifique !" m'a t-il répondu. "Je suis tellement heureux de savoir qu'il y a un peintre dans notre communauté. Quand vous aurez obtenu votre diplôme, venez à Paris. Je vous présenterai à Van Dongen, un grand portraitiste. C'est un ami à moi, il réalise en ce moment mon portrait." C'est tout ce qu'il m'a dit mais grâce à ces paroles enthousiastes, ma mère ne s'est pas opposée à mon départ pour Paris.

S. J. : Pouvez-vous nous parler de Shankar Palsikar, l'une de vos premières influences artistiques ?
A. P. : Il était enseignant à la J. J. School of Art. Il fut nommé Doyen de la Faculté pendant mon séjour à Paris. Lorsque je lui rapportai que Raza m'avait demandé de le suivre à Paris, Palsikar a déclaré : "Mais vous n'avez pas encore vu l'Inde !" Il avait raison car je n'avais même pas pris le temps de visiter Elephanta alors que j'habitais à Bombay. Mon père était très strict et nous n'étions pas autorisé à aller où que ce soit au-delà de Dhobi Talao. J'ai décidé de me rendre à Madurai pour visiter le temple de Minakshi. Quand j'ai vu les sculptures, j'ai été littéralement soufflé. J'ai eu l'impression que j'avais découvert l'art sous une forme divine.
En réalité, j'ai été davantage inspiré par les propos de Palsikar que par son art. Il m'a dit que je devais lire les Upanishads et que pour comprendre l'Inde, j'avais besoin d'étudier la philosophie indienne. Aussi, j'emportai avec moi à Paris une traduction des Upanishads réalisée par Max Mueller.

S. J. : Je réfléchissais à ce procès qui vous a été intenté et que vous avez remporté en 1954. Mise à part la censure de l'Etat, avez-vous eu à subir un autre type de censure ?
A. P. : Il y avait cette réunion au Centre des Artistes où quelque soixante-dix personnes du cercle artistique étaient présentes, dont de nombreux journalistes. Beaucoup m'ont demandé de décrocher mes tableaux car ils allaient porter atteinte à ma réputation. Je leur ai rétorquai que je n'allais pas faire cela et que je ne me souciais guère d'être arrêté. Décrocher mes peintures aurait été reconnaître qu'elles avaient effectivement un caractère obscène comme le dénonçaient mes détracteurs. La plupart des personnes quittèrent la salle, il n'en resta que 5 : Ebrahim Alkazi, Nissim Ezekiel, mon frère Nuruddin, M. F. Hussain et K. H. Ara. J'avais trouvé là mon comité de défense.
Après que j'eus gagné le procès, j'ai délaissé le thème des amants pendant des années. J'avais consacré une année entière au procès et j'en étais sorti écoeuré, surtout par le comportement de ces artistes qui m'avaient demandé de retirer mes tableaux. Je me suis alors tourné vers les Paysages métaphysiques (Metascapes) et d'autres sujets. Je ne suis revenu aux amants (lovers) que dans les années 80 mais d'une manière plus subtile alors.

S. J. : Avez-vous introduit cette subtilité parce que vous ne vouliez pas à nouveau subir la censure ?
A. P. : D'une certaine manière oui. Mes amants étaient nus mais unis dans une relation émotionnelle profondément intimiste. Il y a beaucoup plus de sensibilité et de délicatesse dans la représentation de ces couples tardifs.

S. J. : Vos nus des années 1950 présentent une attitude frontale et sont rendus avec des traits acérés et spontanés (bold). Avec le temps, vos nus ont acquis davantage de profondeur, un aspect plus introverti.
A. P : Dans mes débuts, je donnais à la forme un aspect très brutal. Plus tard, elle a commencé à acquérir plus de volume. J'expérimentais les changements de tonalités et de couleurs. Un artiste se situe davantage dans l'exploration et la découverte que dans la représentation du sujet en tant que tel.

S. J. : J'ai lu une très belle anecdote à propos de la visite que vous a faite Alberto Giacometti à votre atelier à Paris. Après avoir regardé quelque unes de vos toiles, il a déclaré : "Votre art provient de l'art. Peignez donc à partir de la vie." A quoi avez-vous pensé lorsqu'il vous a déclaré cela ? Est-ce que cela vous a conduit à remettre en cause vos pratiques artistiques ?
A. P. : Quand j'ai entendu cela, j'ai été assommé. Je lui ai dit : "Je sais que vous m'avez confié quelque chose de très profond, mais je n'arrive pas à saisir ce que vous entendez par là." Giacometti a jeté un oeil à sa montre et s'est rendu compte qu'il était attendu par sa femme Antoinette. Il m'a demandé de le reconduire chez lui puis a déclaré à sa femme que c'était moi qui l'avais retenu. Elle m'a alors lancé : "De toute façon, ce matin quand j'ai posé pour lui pendant près de deux heures, il ne m'a pas regardé une seule fois." Giacometti a rétorqué: "Je n'ai pas besoin de te regarder pour te peindre. J'ai juste besoin de jeter un coup d'oeil et ensuite je sens ta présence." J'appris ce jour là quelque chose d'essentiel. Avant même de rencontrer Giacometti, j'étais un jour au Cachemire et je me demandais comment je pouvais représenter le paysage que se déployait sous mes yeux. Je me suis dit que je pouvais tout simplement m'asseoir là et réaliser des dessins sans regarder le paysage. Je crois que j'ai alors exécuté quelques dessins qui sont sans doute parmi les meilleurs que j'ai jamais réalisés."

[1] Il s'agit de l'Aga Khan III, le grand-père de l'actuel chef spirituel des ismaéliens, Karim Aga Khan

Akbar Padamsee lors de son séjour à Paris dans les années 1960

Couple, 1952. L'un des tableaux de la série Amants qui valut à Padamsee les foudres de la censure et un procès pour obscénité.

Temple de Minakshi


Temple de Minakshi

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