Le voyage du poète, Abd al-Samad ?, école moghole, XVIe siècle |
Le soleil commence à percer. Il aura vite fait de disperser les nuages qui encombrent encore le ciel matinal. La journée s'annonce belle et resplendissante. Certains rochers se parent même de magnifiques teintes dorées. Un poète, entouré de serviteurs, chemine sur un sentier sinueux passant à travers monts et vaux jusqu'à un bourg dont on aperçoit déjà au loin les flèches hérissées.
La miniature est attribuée à Abd al-Samad, surnommé le Calame doux par Akbar à cause de la finesse de son trait. D'origine persane, il était venu s'établir en Inde pour mettre son art au service des Moghols. On reconnaît d'ailleurs ces fameuses montagnes aux formes animalières grotesques typiques de la peinture iranienne. Néanmoins, afin de complaire à ses nouveaux maîtres dont le goût penche vers le réalisme, l'artiste a introduit la perspective et ce ciel nuageux que l'on voit dans ces peintures importées à la cour de Delhi par les jésuites arrivés d'Europe. Cette œuvre est d'ailleurs l'une des premières où l'on relève l'introduction de la perspective dans l'art de la miniature.
"Les voyages forment la jeunesse." "Nul n'est prophète dans son pays." C'est bien connu. Ce sont ces vérités populaires que nous trouvons rappelées en distiques dans les cartouches du haut et du bas, le dernier d'entre eux étant emprunté à un poème de Rûmî traitant de la quête spirituelle :
Un homme ne reçoit aucun respect dans sa terre natale ;
Un joyau ne possède aucune valeur dans sa mine d'origine ;
Observe la terre et le ciel :
Ils naviguent sans fin en un voyage permanent.
Si les arbres pouvaient se déplacer et partir au loin,
Ils n'auraient plus à souffrir de la hache et de la scie.