De grand matin je m'en fus au jardin cueillir une rose.
Soudain me vint à l'oreille la voix d'un rossignol.
Le pauvre comme moi était pris d'amour pour une rose
et par son cri de détresse jetait le tumulte au parterre.
Je tournais en ce parterre et ce jardin ; d'instant en instant
je songeais à cette rose et à ce rossignol.
La rose était devenue compagne de la beauté, le rossignol l'intime de l'amour
en lui nulle altération, en l'autre nulle variation.
Quand la voix du rossignol eut mis sa trace en mon coeur,
je changeai au point que nulle patience ne me resta.
En ce jardin tant de rose s'apanouissent, mais
personne n'a cueilli une rose sans le fléau de l'épine.
Hâfez, du monde en sa rotation n'espère l'apaisement :
il a mille défauts et n'a pas une faveur !
Hâfez
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Henri de Fouchécour :
"Le ghazal 456 est un joyau, par la simplicité de ses mots, la densité de son sens et la beauté de ses figures. La rime annonçait déjà cette simplicité. Les actants sont élémentaires : la rose, le rossignol et le poète au jardin. Ce qui arrive entre le rossignol et la rose est l'objet de la réflexion du poète. C'est que la voix du rossignol, entendue quand le poète allait cueillir une rose laissa au coeur de celui-ci sa marque, "sa trace". Le poète voulut cueillir une rose, mais à la fin, il ne le fit pas. [...]
Le ghazal 456 est d'une grande habileté technique, tant par l'abondance des assonances et des allitérations que par le jeu des rapports calligraphiques. [...] En somme, un poème à chanter.
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