Homay et Humayun au jardin, Musée des Arts Décoratifs, Paris |
"Dans la miniature persane, ce n'est pas dans sa réalité ou sa présence, mais dans son image de miroir magique, ayant perdu son ombre et son poids pour se métamorphoser en apparence et en pure couleur immatérielle, que le monde se révèle, dans la lumière, être paradisiaque : un jardin, selon l'ancien archétype du paradis depuis les anciens Perses pour qui "la terre elle-même était une vision "(Corbin). Et un jardin devenu, dans la miniature persane, une rêverie hors du monde et la métaphore de la contemplation mystique : "les jardins résident dans le coeur du mystique, alors que les jardins terrestres, tout comme la nature, ne sont que des images virtuelles reflétées dans le coeur qui lui-même reflète le miroir de la Beauté divine" - le jardin se trouve partout. C'est non seulement l'espace clos, ses arbres, ses prés, ses fleurs et son cours d'eau, mais le monde dans tous ses aspects qui devient un immense jardin : les rochers avec leurs contours et leurs couleurs extraordinaires de rubis, d'émeraude, de lapis-lazuli, et la terre aux teintes invraisemblables, les ornements de taps, des habits et des architectures. Dans le miroir intemporel de la miniature persane, l'image du jardin est la réalisation d'un monde de couleurs en tant que parousie du visible et de l'ornement à la fois : "sous leur apparence, c'est une apparition qui devient visible". Le jardin est paradis du sens et des sens : il est sans pourquoi et libre de signification.
S'il y a un sens "ésotérique" ou mystique dans la miniature persane, c'est dans la splendeur du visible qu'il faudrait le trouver. Toute autre tentative transforme les miniatures en "images". En cherchant à les traverser, pour leur découvrir un supposé sens "caché" et métaphorique, elle réduit les peintures à n'être plus que des signes : au mépris d'un monde imprégné de tant de beauté."
Youssef Ishaghpour, La miniature persane, Verdier
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