Dôme de la mosquée du Shah à Ispahan |
"Le voyageur qui a eu l'occasion de parcourir l'Iran est toujours saisi par ce contraste. Les paysages, presque partout, ont la couleur de la terre : vastes étendues d'une autérité monochrome, à peine piquées de quelques taches d'une verdure avare, elle-même mangée de poussière. Ouvre-t-il au contraire un manuscrit enluminé où les peintres du passé nous livrent leur vision des choses, c'est une orgie de couleurs qui éclatent à ses yeux dans leur stupéfiante diversité.
L'arrivée à Ispahan, après quelques heures passées à traverser des montagnes, impitoyablement pelées, réserve à peu près la même impression. Vue d'en-haut, la ville a la même couleur que le désert qui l'entoure ; belle et sobre cité aux toits plats, qui hésite entre l'ocre et le gris... mais ponctuée çà et là par la splendeur humide, presque "buvable" des coupoles, dont le vert et le bleu évoquent irrésistiblement l'eau du ciel, bénédiction du voyageur altéré. Et l'on comprend que l'architecture elle-même, loin de répondre exlcusivement à des fins pratiques comme il est si commode de le croire, est d'abord, elle aussi, la matérialisation d'un rêve. Que sont en effet ces coupoles, sinon une image transfigurée du désert ? Faites de terre ocre ou grise elles aussi (comme au reste les jarres où l'on met l'eau à fraîchir, comme encore ces coupes où l'on verse le vin), elles offrent au regard des fidèles leur surface courbe tout irisée de fraîches mosaïques, comme pour faire oublier la matière première dont elles sont pétries. Et leurs couleurs sont là pour rappeler à ces mêmes fidèles la fonction première du temple, où la parole divine chante comme une source qui calme toutes les soifs."
Source : Les jardins du désert. Sept siècles de peinture persane, Phébus
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