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mardi 8 janvier 2013

Basawan : miniaturiste moghol

Un religieux (mollah) admoneste un soufi, Basawan, XVIe siècle, Lahore. Miniature extraite du Beharestan de Djami. C'est une architecture en grès rouge et en marbre, typiquement moghole, qui sert de cadre à cette scène où l'on voit un religieux sermonner un derviche qui tirait fierté de sa robe élimée. Le mollah lui lance : "Prendrais-tu cet habit pour un dieu ?" L'image révèle la maîtrise de Basawan dans la construction d'un champ en profondeur par la perspective ainsi que la finesse de sa palette dans le rendu des matières et des nuances. La peinture illustre cette synthèse réalisée dans les ateliers d'Akbar entre les influences persane, indienne et européenne pour créer une identité artistique spécifiquement moghole.


"Basâwan fut un artiste très apprécié de son temps. Abu'l Fazl [1] dit que « Basâwan ne fut pas égalé dans le monde ». Nous ignorons tout de la vie du peintre, sa date de naissance est inconnue. Le document le plus ancien que nous possédons est une illustration d'un manuscrit du Darab-nâma (vers 1580) « Tamarusia et Shapur atteignent l'île de Nigar » [voir ci-dessous]. Cette peinture permet de penser que l'artiste fut formé dans les ateliers royaux. Abu'l Fazl attribue à juste titre à l'artiste l'illustration de l'Akbar-nâma du Victoria and Albert Museum. Ce manuscrit doit être terminé vers 1600. Selon Welch, la grande production de Basâwan doit se placer entre 1580 et 1590 ; 1600 devant marquer la fin de son activité. On ignore la date de sa mort. Il eut pour fils Manohar, célèbre peintre du règne de Jahangir. Il est très difficile d'étudier un peintre indien, puisque fréquemment une peinture était l'œuvre de plusieurs artistes. Heureusement il y eut une catégorie de manuscrits moghols, sorte de série de luxe, illustrée par des maîtres dans laquelle chaque miniature était le travail d'un seul homme. Welch, après une analyse très serrée et très judicieuse de nombreuses miniatures du maître pense comme Abu'l Fazl qu'aucun artiste de l'atelier ne peut lui être comparé. Basâwan diffère des autres artistes en ce sens « qu'il explore l'espace ». Il conçoit ses esquisses en profondeur. Il joue très habilement des diagonales pour vous entraîner à errer dans la composition. Cependant il n'hésite pas dans certains cas à abandonner la troisième dimension pour obtenir un effet plus dramatique. Il suggère la rondeur des formes, il rend le sens du volume. « Vides et solides baignent dans une atmosphère frémissante de lumière et d'ombre qui crée une unité harmonieuse et animée. » Abu'l Fazl insiste sur la palette de Basâwan qui tranche sur la production contemporaine par sa grande intensité et sa richesse ; de plus l'artiste sait jouer des couleurs pour concentrer l'attention sur la scène principale et varie sa touche suivant les sujets traités. D'autre part, Basâwan peint une humanité très variée ; certaines scènes sont pleines de réalisme. Nous terminerons sur cette remarque d'Abu'l Fazl concernant la peinture de Basâwan : « même les objets inanimés semblent avoir de la vie. » 

[1] Écrivain et historien à la cour d'Akbar

Source : Andrée Busson : "Les peintures de Basawan par Stuart Cary Welch", in Revue Persée

Tamarusia et Shapur atteignent l'île de Nigar, Basawan, fin XVIe siècle, Lahore

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