Fête de Sadeh, miniature de Sultan Muhammad, début XVIe siècle, Tabriz |
Quelle débâuche de couleurs ! Quelles profusions de teintes, de nuances, de coloris ! Les couleurs jaillissent comme des jets d'eau d'une fontaine et éclaboussent de leurs teintes chatoyantes toute la composition en faisant d'elle une véritable fête pour les yeux. Un élan résurrectionnel semble s'être emparé de la nature qui revêtue de ses plus beaux apparats printaniers s'élève irrésistiblement à la conquête du ciel en brisant même au passage le cadre de l'image. Mais d'ailleurs, n'est-on pas déjà au paradis ? Et, est-ce que ce ne sont pas des élus de ce séjour divin que nous voyons là, assis sur des parterres verdoyants, au milieu d'arbres fleuris, parés de leurs plus somptueux vêtements, savourant des mets raffinés et jouissant de la félicité éternelle ? Hommes, animaux, nature semblent s'être fondus dans une harmonie universelle, participer d'une même entité organique, celle subtile du monde de la beauté éternelle. Qui pourrait affirmer que cette miniature, par la fraîcheur de ses couleurs, a été réalisée voilà cinq cents ans de cela ? Et pourtant ! Elle a bien été exécutée à la cour de Shah Tahmasp à Tabriz, au début du XVIe siècle, par l'un des plus brillants élèves de Behzad, Sultan Muhammad, pour illustrer le Shah Name de Ferdousi ordonné par le souverain. Toutes les couleurs ont conservé, comme au premier jour, leur éclat, pureté, finesse, raffinement. On en reste ébloui. On comprend que l'orientaliste Stuart Cary Welch ait proclamé sans détours : "La peinture iranienne ne connaît pratiquement pas de rivale dans le monde pour la pureté et l'intensité des couleurs."
Fête de Sadeh, Détail |
Approchons-nous davantage de cette peinture. Prenons même une loupe et observons un détail au hasard. Par exemple, cette biche et la paroi rocheuse aux couleurs étonnantes et poétiques située derrière elle. Qu'observons-nous ? L'animal, gracieux et délicat, est représenté avec un réalisme saisissant. Les rochers, quant à eux, semblent animés d'une vie foisonnante ! Ils grouillent de formes humaines, animales, de créatures étranges, de masques grotesques, ricanants, monstrueux. Nous distinguons même avec netteté un personnage, d'aspect plutôt disgracieux, de couleur sombre, peut-être une sorte de faune ou de génie des lieux, portant dans ses bras une étrange bête.
Et, on constate, gêné, que l'on se hasarde généralement un peu vite en affirmant que la miniature se caractérise par de grands aplats de couleurs vives et franches. Ici, on remarque distinctement les modelés, façonnés uniquement à partir de nuances et de dégradés réalisés à l'aide de pinceaux extrêmement fins par d'infinies touches délicates. On peut facilement dénombrer au moins une dizaine de tons différents dans les bleus, les mauves ainsi que dans toutes les autres couleurs. On ne peut que rester admiratif en songeant au travail extrêmement minutieux, méticuleux, pointilleux que devait exiger l'élaboration de tels paysages raffinés et merveilleux. Pas étonnant que de nombreux peintres terminaient leur vie quasiment aveugles, les yeux usés par les longues années passées à peaufiner les détails les plus ténus. La réalisation d'une miniature pouvait s'étendre sans difficultés sur de longs mois et sollicitait le concours de nombreux intervenants, des apprentis au maître-d'oeuvre en passant par les fabricants de fournitures (encre, papier, calames...), les dessinateurs, les calligraphes, les peintres...
Et, on constate, gêné, que l'on se hasarde généralement un peu vite en affirmant que la miniature se caractérise par de grands aplats de couleurs vives et franches. Ici, on remarque distinctement les modelés, façonnés uniquement à partir de nuances et de dégradés réalisés à l'aide de pinceaux extrêmement fins par d'infinies touches délicates. On peut facilement dénombrer au moins une dizaine de tons différents dans les bleus, les mauves ainsi que dans toutes les autres couleurs. On ne peut que rester admiratif en songeant au travail extrêmement minutieux, méticuleux, pointilleux que devait exiger l'élaboration de tels paysages raffinés et merveilleux. Pas étonnant que de nombreux peintres terminaient leur vie quasiment aveugles, les yeux usés par les longues années passées à peaufiner les détails les plus ténus. La réalisation d'une miniature pouvait s'étendre sans difficultés sur de longs mois et sollicitait le concours de nombreux intervenants, des apprentis au maître-d'oeuvre en passant par les fabricants de fournitures (encre, papier, calames...), les dessinateurs, les calligraphes, les peintres...
Fête de Sadeh, Détail |
Les nuances dans les couleurs étaient obtenues par trois techniques différentes : en peignant sur une surface par couches successives jusqu'à obtenir la teinte souhaitée, en modifiant la teneur du liant servant à fixer les couleurs, et enfin, en mélangeant plusieurs pigments entre eux ou en y ajoutant d'autres ingrédients comme le jaune d’œuf ou la gomme arabique.
Pour l'essentiel, les principales couleurs de base utilisées dans les miniatures étaient :
L'or : appliqué sur la page en fines lamelles par un enlumineur. Il pouvait être mélangé à du cuivre pour obtenir une teinte plus ou moins chaude.
L'argent, appliqué, pareillement que l'or, en fines lamelles. Il était essentiellement utilisé pour représenter les parties liquides de la composition : eaux des fontaines, rivières, sources, mais aussi lune, étoiles. Avec le temps, l'oxydation de ce métal a entraîné un noircissement des éléments iconographiques. La rivière dans laquelle Shirin se baigne est, à présent, devenue une trainée obscure.
Le noir était obtenu à partir des poussières carbonisées du bois ou de noix broyées
Le blanc était fabriqué avec de la céruse de plomb ou d'étain
Le rouge provenait le plus souvent du cinabre ou sulfure de mercure
Le bleu à partir du lapis-lazuli (lâdjward), appelé aussi pierre de Salomon. Il était extrait des gisements du Badakshan (est de l'Afghanistan).
Le jaune de l'orpiment ou sulfure d'arsenic
Le vert était fabriqué à partir de la malachite ou encore du vert-de-gris. Pour éviter les attaques acides du vert-de-gris sur le papier, il était mélangé au safran. Le vert était également obtenu en combinant l'orpiment avec l'indigo.
Les liants qui servaient à fixer les couleurs étaient fabriqués à partir
de la gomme d'arabique, on utilisait également le jaune d’œuf.
Céruse de plomb |
Roche de cinabre |
Lapis-lazuli |
Orpiment |
Malachite |
Vert-de-gris |
Gomme arabique, issue de la résine d'acacia |
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