Vue du jardin de la Villa Médicis à Rome, 1620 ou 1650 |
Curieux tableau que celui de Vélasquez nous offrant de la belle Villa Médicis un aperçu pour le moins surprenant : un joli porche d'entrée délabré et obstrué par des palissades. N'importe quel touriste de nos jours en visite à la Villa éviterait soigneusement de photographier une vue aussi peu reluisante du site. Pourtant, Vélasquez choisit curieusement de l'immortaliser en la peignant sur une toile. On imagine la somme d'heures de travail que cette peinture a pu lui demander. On ne peut s'empêcher de se demander ce qui a bien pu, à ce point, séduire le peintre dans un tel spectacle pour le motiver à le peindre.
Disons avant tout que ce tableau occupe une place particulièrement importante dans l'histoire artistique en ce sens que c'est le seul exemple - et aussi le premier - que l'on connaisse d'une composition réalisée à l'huile sur le motif. On sait qu'il faudra attendre Corot, et surtout les Impressionnistes, pour que les premières toiles à l'huile d'après nature soient exécutées, puis considérées comme des oeuvres d'art à part entière.
La composition du tableau établit un ordonnancement harmonieux entre les plans horizontaux et verticaux. Aux cyprès s'élançant dans le ciel répondent les planches verticales de la palissade et les pilastres du bâtiment. A la balustrade surmontant l'édifice font écho les cloisons supérieures de la barrière. Un drap blanc étendu sur le rebord reproduit en inversé l'arcature du porche.
Le peintre espagnol à travers le délabrement de cette aile du palais, nous présente un visage assez cruel du temps qui passe. Insensible à toute beauté, il poursuit sa course en infligeant sur son passage cicatrices, balafres, méfaits et autres outrages aux plus vénérables et solides monuments surgis de la main ou de la vanité des hommes. Pourtant, en dépit de cette note désabusée, l'artiste cherche à nous transmettre un message beaucoup plus frontal et concret : celui de la négligence ou de l'indifférence de l'homme envers les oeuvres d'art.
Vélasquez avait été nommé par le roi Philippe IV "Surintendant des Palais royaux", une fonction qui consistait essentiellement à superviser l'entretien et la décoration des appartements royaux. L'artiste s'acquittait de cette responsabilité avec un enthousiasme exemplaire. Elle lui offrait l'occasion de concilier son activité de peintre avec sa passion de l'architecture. C'est sans doute dans cette passion qu'il faut rechercher l'origine de la composition du tableau. Vélasquez en esthète et Surintendant n'a pas dû manquer d'être indigné devant l'état délabré de ce chef-d'oeuvre architectural. On l'imagine, de passage à Rome, se promenant dans les jardins de la Villa puis au détour d'une allée, tombant nez à nez sur cette annexe en ruine et éprouvant un pincement au coeur ou de la colère envers l'inconscience des hommes. En tant que peintre, c'est tout naturellement vers son pinceau qu'il s'est tourné pour faire part de son indignation, alerter les pouvoirs publics et l'opinion sur le piteux état de l'édifice mais aussi pour les sensibiliser sur la nécessité et l'importance de chérir, par une maintenance et une restauration appropriées, des demeures qui cristallisent dans leurs pierres la mémoire collective, les formes esthétiques et les plus hautes réalisations de ce que l'esprit humain a pu produire dans le domaine des arts.
Plutôt que de déplorer en solitaire ou en de belles paroles de circonstances les méfaits du temps, Vélasquez met à contribution son talent en brossant un tableau inhabituel, d'une rare force visuelle, pour faire réagir les sphères du pouvoir afin qu'elles se donnent les moyens d'une politique de conservation du patrimoine à la hauteur des oeuvres de l'esprit et du coeur léguées par les générations passées. Il faut reconnaître que l'espagnol devait posséder un courage singulier pour oser peindre de vulgaires morceaux de bois à une époque où la peinture devait se consacrer exclusivement à des scènes mythologiques, bibliques ou historiques. On ne peut s'empêcher également de voir dans ce tableau les préoccupations professionnelles du Surintendant qui était régulièrement confronté dans ses projets à des questions de restrictions budgétaires au profit des campagnes militaires du souverain ou de la pompe royale. Comme on peut le constater, la culture en tant que parent pauvre de l'Etat ne date pas d'hier.
Plutôt que de déplorer en solitaire ou en de belles paroles de circonstances les méfaits du temps, Vélasquez met à contribution son talent en brossant un tableau inhabituel, d'une rare force visuelle, pour faire réagir les sphères du pouvoir afin qu'elles se donnent les moyens d'une politique de conservation du patrimoine à la hauteur des oeuvres de l'esprit et du coeur léguées par les générations passées. Il faut reconnaître que l'espagnol devait posséder un courage singulier pour oser peindre de vulgaires morceaux de bois à une époque où la peinture devait se consacrer exclusivement à des scènes mythologiques, bibliques ou historiques. On ne peut s'empêcher également de voir dans ce tableau les préoccupations professionnelles du Surintendant qui était régulièrement confronté dans ses projets à des questions de restrictions budgétaires au profit des campagnes militaires du souverain ou de la pompe royale. Comme on peut le constater, la culture en tant que parent pauvre de l'Etat ne date pas d'hier.
Vue du jardin de la Villa Médicis, Pavillon d'Ariane, Rome, vers 1630 |
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